Du 15 au 17 janvier dernier au Carré Amelot se déroulait le festival du cinéma japonais orgénisé depuis quelques années par l’association Shiosaï en collaboration avec le Carré Amelot, Max Tessier et l’Ambassade du Japon en France. Longtemps méconnu du public français, parce que ses films n’étaient pas distribués, Yoji Yamada est pourtant un des cinéastes les plus populaires auprès des spectateurs japonais. Auteur de plus de 70 films depuis 1961, il est devenu le pilier porteur de la compagnie Shochiku, essentiellement comme père cinématographique de l’incontournable personnage de Tora-San (M. Tigre), qui donna lieu à la plus longue série de l’histoire du cinéma japonais, avec pas moins de 48 épisodes, de 1969 à la disparition de l’acteur légendaire du rôle titre, Kiyoshi Atsumi, en 1996. La compagnie Shoshiku fête d’ailleurs cette année le 40ème anniversaire de la série, en éditant au Japon les DVD de tous ses films. Incarnation de toutes les qualités (et défauts ?) du « petit peuple » japonais, Tora-San est le vagabond sympathique par excellence, dans lequel la plupart des japonais investissent des rêves de liberté sociale. Tora-San en Ballade (1990, 43ème épisode) illustrera cette série phénoménale, à une époque où Kiyoshi Atsumi est déjà un peu affaibli par la maladie qui l’emportera quelques années plus tard. Mais on peut y humer le parfum de toute la série. Pourtant, Yoji Yamada (né en 1931) est aussi l’auteur de plusieurs solides mélodrames à caractère social, dont Mon Fils (1991, déjà programmé par Shiosaï) et par exemple Les Mouchoirs jaunes du bonheur (1977), une histoire d’amour en forme de road-movie, située dans la grande île septentrionale de Hokkaido. Le film est interprété par la grande star du cinéma d’action Ken Takakura, ici pris à contre-emploi, et par l’actrice populaire Kaori Momoi. Parmi les autres séries à succès que Yamada a dirigées, figure l’Ecole (1993), qui dresse le portrait d’une génération qui connaît la crise économique et les écoles du soir (quatre épisodes jusqu’en 2000). Plus récemment, l’infatigable vétéran Yoji Yamada (aujourd’hui âgé de 77 ans) s’est imposé sur la scène internationale avec sa belle trilogie historique, dont Le Samouraï de crépuscule (2002, déjà présenté par Shiosaï). Pris entre un cinéma d’auteur souvent brillant, mais parfois excessif et nombrillique (Kittano !), et un océan mou d’oeuvrettes commerciales vite oubliées, Yoji Yamada incarne aujourd’hui la conscience sociale et morale du cinéma japonais « ancien », après la mort d’Akira Kurosawa, cinéaste qu’il admire beaucoup. D’ailleurs, son dernier film en date, Kaabei (Notre Mère, 2007), est une adaptation du beau roman autobiographique de Teruyo Nogami (ancienne collaboratrice d’Akira Kurosawa, depuis Rashomon !), dont la sortie est prévue en France. Comme bien d’autres cinéastes japonais, Yamada ne prend pas de retraite et continue de tourner chaque année des films selon sa vision, en cela très respecté au Japon. Ces trois films, différents et semblables, donnent une idée de ses sujets d’inspiration et de sa grande humanité.
Max Tessier.
Kinya se rend à Kokkaido, pour oublier une histoire d’amour qui a mal tourné. Dans une gare, il rencontre Akemi, une jeune femme partie seule en voyage, mais aussi un jeune homme, Yusaku, juste sorti de prison, et qui la protège lorsque Kinya l’approche de trop près. Après un incident, tous trois décident finalement de partir ensemble en voiture. Ils s’arrêtent dans une auberge où Kinya poursuit ses avances sur Akemi et se fait tancer sévèrement par Yusaku.
Le lendemain, Yusaku leur raconte son histoire : A 30 ans, il était « monté » à Hokkaido et avait épousé Mitsue. Mais leur bonheur s’était arrêté le jour où Mitsue lui annonçait qu’elle avait perdu l’enfant qu’elle attendait de lui. Yusaku partit alors boire dans un bar et, au cours d’une bagarre avec un voyou, le tua. Six ans plus tard, Yusaku est sorti de prison et revient chercher Mitsue à qui il avait écrit une lettre lui demandant d’accrocher un mouchoir jaune à une perche pour lui signaler qu’elle voulait bien le revoir. Les trois partent alors ensemble vers la maison de Mitsue où les attend une belle surprise…
Le neveu de Tora-San, Mitsuo, qui vient enfin d’entrer à l’université, mène une vie d’oisiveté, quand arrive par surprise de Nagoya la jeune Izumi, son premier amour. Comme elle ne supporte pas de voir ses parents séparés, elle est venue à Tokyo pour faire entendre raison à son père, Kazuo, qui vit avec une maîtresse. Mais elle apprend qu’ils ont émigré à Kyushu, en plein sud, et se met donc en route avec Mitsuo pour les retrouver… Tora-San, qui vient de rentrer d’un voyage, trouve sa soeur Sakura, affolée par le départ de son fils, Mitsuo. Survient alors Reiko, la mère d’Izumi. Tora-San décide de partir avec Reiko à la recherche des jeunes gens, qui, dit-il, ne sont encore que des enfants. Mais il sent qu’il tombe amoureux de Reiko… Ce 43ème épisode de Tora-San est de nouveau un prétexte pour parcourir le Japon du nord au sud et révéler des personnages en rupture avec leur famille. L’héroine est interprétée, comme souvent, par la charmante Chieko Baisho, une des actrices les plus populaires du Japon.
M. Kuroi, professeur dans une école du soir à Shitamachi (quartier populaire de Tokyo), organise avec ses élèves un cours de rédaction pour composer un recueil anniversaire de textes. Tout en les observant au travail, il se remémore les moments passés ensemble avec certains d’entre eux : La coréenne immigrée Eomeoni ; Midori, jeune fille un peu sauvage ; Zhang, de père chinois et de mère japonaise, benu de Chine cinq ans auparavant ; Ou encore Eriko, une jeune autiste qui a refus » d’aller à l’école régulière. Pendant la pause, on apprend la mort d’Inoda, un des membres de la classe. Kuroi, choqué par la nouvelle, évoque sa personnalité avec les élèves et finit par aborder la notion de bonheur… Le film est une sorte de révélateur de la société japonaise actuelle, à travers des personnages qui ont tous une raison d’étudier à l’école du soir. Le succès du film au Japon incitera Yamada à en tourner trois suites.